Rencontre avec la Dr Blandine Denis, lauréate de l’appel à candidatures pour le dispositif « PH recherche » 2025 qui permet de sanctuariser un temps dédié à la recherche pour les praticiens hospitaliers (PH).
Le mardi 18 mars 2025 se réunissait le jury pour l’audition des candidats au dispositif « PH recherche » permettant d’accorder des temps dédiés à des projets de recherche. 6 lauréats ont été retenus à l’AP-HP. Nord – Université Paris Cité, dont la Dr Blandine Denis pour ses travaux sur les infections fongiques.
Dr Blandine Denis, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis, mène des recherches sur deux infections fongiques graves : la candidémie et la pneumocystose. Elle pilote actuellement trois projets complémentaires pour améliorer leur diagnostic et leur traitement.
1. Mieux adapter la durée du traitement des candidémies
La candidémie est une infection fongique du sang causée par des levures du genre Candida, naturellement présentes sur la peau ou dans le tube digestif. Elle survient principalement chez des patients déjà fragilisés, notamment en réanimation, après une chirurgie lourde ou atteints de cancers. Cette infection rare mais grave présente un taux de mortalité à un mois compris entre 30 et 60 % selon le profil des patients.
Le traitement actuel repose sur des antifongiques administrés pendant 14 jours après la première hémoculture négative. Toutefois, cette durée n’a jamais été réévaluée, contrairement aux infections bactériennes, pour lesquelles des études ont permis de raccourcir efficacement les traitements. Blandine Denis coordonne ainsi un essai multicentrique dans 28 centres en France, qui compare un traitement antifongique de 7 jours contre le standard de 14 jours, dans les formes dites « non compliquées » de candidémie. L’objectif : démontrer qu’un traitement plus court est aussi efficace, tout en réduisant les effets secondaires et l’impact sur le microbiote intestinal.
Pour s’assurer de la sécurité des patients, seuls ceux sans complications (atteinte oculaire, cardiaque ou présence de caillot infecté) peuvent être inclus. Le retrait du cathéter central à l’origine de l’infection est également un prérequis. L’étude vise à recruter 360 patients.
2. Vers un diagnostic simplifié de la pneumocystose
Le second projet de recherche porté par la Dr Denis est centré sur la pneumocystose, une pneumopathie causée par le champignon Pneumocystis jirovecii. Elle touche principalement les patients immunodéprimés (sous corticoïdes, chimiothérapie, greffe d’organe, hémopathie…) et peut évoluer très rapidement vers une forme sévère nécessitant une réanimation.
Son diagnostic reste complexe, car le champignon ne circule pas dans le sang, ne pousse pas en culture, et n’est pas détectable dans les crachats standards. Le prélèvement de référence reste le lavage broncho-alvéolaire (LBA), réalisé par fibroscopie, ou l’induction de crachat après aérosol de sérum physiologique. Ces techniques, bien que efficaces, ne sont pas toujours réalisables en urgence ou chez des patients fragiles.
L’étude menée par Dr Denis explore donc des méthodes non invasives, notamment l’utilisation de prélèvements oropharyngés (type écouvillon nasopharyngé ou gargarisme) analysés par PCR. Les résultats seront comparés à ceux des techniques de référence, et stratifiés entre patients vivant avec le VIH et les autres, car la charge fongique diffère selon les profils. L’objectif est de valider une méthode simple, rapide et applicable largement, y compris dans les hôpitaux ne disposant pas de service de pneumologie.
3. Un projet européen pour mieux comprendre la réponse de l’hôte et le microbiote
Enfin, le troisième projet dans lequel la Dr Denis est impliquée s’inscrit dans un consortium européen piloté par un médecin britannique. Il rassemble des équipes du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de France et d’Afrique du Sud, où les infections fongiques résistantes sont très fréquentes.
Ce projet vise à mieux comprendre la réponse immunitaire de l’hôte ainsi que les effets des antifongiques sur le microbiote intestinal, à partir des patients inclus dans les études précédentes. Les analyses seront menées sur des prélèvements de selles et de sang, avec une approche intégrant la génétique de l’hôte. Ce projet devrait permettre de mieux personnaliser les traitements et de développer des stratégies plus efficaces de lutte contre les infections fongiques.
Avec ces projets, la Dr Blandine Denis contribue à faire progresser une prise en charge plus ciblée, plus efficace et moins invasive des infections fongiques graves.