Rencontre avec la Dr Nathalie Dhedin, lauréate de l’appel à candidatures pour le dispositif « PH recherche » 2025 qui permet de sanctuariser un temps dédié à la recherche pour les praticiens hospitaliers (PH).
Le mardi 18 mars 2025 se réunissait le jury pour l’audition des candidats au dispositif « PH recherche » permettant d’accorder des temps dédiés à des projets de recherche. 6 lauréats ont été retenus à l’AP-HP. Nord – Université Paris Cité, dont la Dr Nathalie Dhedin pour ses travaux autour de la drépanocytose.
La Dr Nathalie Dhedin, hématologue à l’hôpital Saint-Louis, a été récemment récompensée dans le cadre du dispositif PH Recherche pour un projet consacré à la drépanocytose, une maladie génétique encore trop peu visible dans les politiques de recherche malgré son lourd impact sanitaire.
Engagée depuis plus de dix ans auprès des adolescents et jeunes adultes (AJA) atteints de cette pathologie, la Dr Dhedin a contribué à bâtir un programme de greffe de cellules souches hématopoïétiques spécifiquement dédié à cette population. La drépanocytose, maladie génétique la plus fréquente en France avec 30 000 personnes atteintes, touche principalement les personnes afro-descendantes. Grâce aux progrès de la médecine pédiatrique, les enfants atteints arrivent désormais presque tous à l’âge adulte. Mais une surmortalité importante persiste à l’âge adulte, avec une médiane de survie d’environ 40 ans, même dans les pays occidentaux.
Le seul traitement curatif aujourd’hui disponible reste la greffe de cellules souches hématopoïétiquese. Si elle a démontré une grande efficacité chez les enfants, son application chez l’adulte est plus complexe : les organes sont souvent déjà atteints, rendant la procédure plus risquée. C’est sur ce défi que s’est concentrée la Dr Dhedin, en développant dans son unité des greffes « plus légères » et mieux tolérées par les adultes.
Aujourd’hui, son équipe suit environ 80 patients, ce qui représente 40 % de l’activité nationale pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques chez les patients drépanocytaires de plus de 15 ans. Forte de cette expérience, la Dr Dhedin a bâti un projet de recherche ambitieux autour de trois axes principaux.
Le premier axe concerne la qualité de vie et la fertilité après greffe : « La greffe a un impact important sur la fertilité. Ces nouvelles modalités de greffe, moins toxiques, pourraient permettre de préserver la fertilité chez certains patients, mais cela reste peu étudié », explique-t-elle.
Le deuxième axe s’appuie sur deux protocoles cliniques multicentriques qu’elle coordonne : DREPA-RIC, qui compare l’évolution des patients greffés à partir d’un frère ou une sœur HLA-compatible et un conditionnement de greffe allégé à celui des patients non greffés (car pas de donneurs compatibles), et DREP-HAPLO, destiné aux patients sans donneur compatible, pour lesquels sont évaluées des greffes avec des donneurs semi-compatibles.
Aussi il a été constaté que l’adhésion aux traitements, la prise en charge des symptômes persistant après la greffe et le vécu post-greffe pouvaient être complexes en raison d’incompréhensions culturelles entre patients et soignés. La Dr Dhedin, en collaboration avec l’ Equipe référente en médiation transculturelle en santé du centre Babel (centre Européen de ressources transculturelles) a fait l’hypothèse que la prise en charge de ces patients pourraient être améliorée par une meilleure connaissance et compréhension du contexte culturel dans lequel s’inscrit la maladie et de ses représentations. L’objectif est de généraliser et d’évaluer dans le parcours de greffe le recours systématique à une médiation culturelle en santé dans l’accompagnement de ces patients
Enfin, le troisième volet du projet ouvre la voie à une approche en sciences humaines. Il s’agit d’une réflexion sur le vécu des patients après la guérison, vécue parfois comme un bouleversement identitaire. « On croit que la guérison, c’est la fin du calvaire. Mais c’est souvent à ce moment-là que commence une autre difficulté : celle de se reconstruire. Le traumatisme de la maladie reste très présent, et l’identité de ces jeunes s’est souvent construite autour de la maladie. La guérison peut les laisser démunis, surtout à l’adolescence », souligne la Dr Dhedin. Une étude avec une équipe de sciences humaines est en cours pour mieux comprendre ce vécu, ainsi qu’un travail sur la médiation transculturelle. Car la relation entre soignants et patients est souvent rendue complexe par des incompréhensions culturelles. L’objectif est d’évaluer et de généraliser le recours à des médiateurs culturels dans l’accompagnement de ces patients.
Avec un taux de réussite des greffes supérieur à 85 % chez les adolescents et les adultes de l’unité de l’hôpital Saint-Louis, l’engagement de la Dr Nathalie Dhedin s’inscrit dans une dynamique à la fois médicale, sociale et humaine. Grâce au soutien du dispositif PH Recherche, son projet vise à améliorer la qualité de vie des patients, mais aussi à mieux comprendre leur parcours, au-delà de la guérison biologique.